Accroché au bras gauche de la reine Elizabeth, en toutes circonstances, et coordonné à ses tenues, on dit de ce sac en cuir qu'il est l'arme secrète de sa majesté et qu'il révèle ses secrets les plus intimes. Quels pouvoirs magiques possède donc ce célèbre sac à main pour qu'elle ne le quitte jamais?


Cette question m’est venue un soir de garden party dans les jardins de l’ambassade de Grande Bretagne à Paris, où le privilège m’était conféré d’être présentée à la reine lors de sa visite officielle en France pour les cérémonies du débarquement en Normandie en 2014. Au moment de lui serrer la main ou plutôt le gant droit, après une rapide révérence improvisée, j’ai remarqué son sac noir accroché à son bras gauche comme une sorte de bouclier. En ses terres françaises, dans le périmètre sécurisé des jardins de Monsieur l’Ambassadeur, la souveraine s’était allégée de son manteau ou sa veste mais pas de son fameux Launer. Etrange. Si le site officiel de la monarchie britannique livre avec beaucoup de sérieux quelques ‘fun facts’ sur la reine Elizabeth, il ne révèle - of course- rien sur le contenu de la besace royale.


Toujours suivie au minimum par un policier de protection rapprochée de Scotland Yard et une dame de compagnie, postée à ses cotés ou quelques pas derrière, la reine n’a pas besoin de carte de crédit ou de cash (bien qu’il y ait un distributeur ATM au sous-sol de Buckingham Palace). Profondément marquée par la foi personnellement, et pas uniquement par« exigence constitutionnelle » en tant que chef de l’Eglise anglicane, elle aurait toutefois l’habitude de glisser dans son sac un billet de 5 ou 10 £ pour donner lors de la quête à la messe du dimanche. Des témoignages bienveillants de dames de compagnie laissent entendre qu'Elizabeth II privilégie plutôt l’agréable à l’utile dans son sac, des objets porte-bonheur: des petites miniatures de chevaux et de chiens donnés par ses petits-enfants, le poudrier fabriqué pour elle par l’amour de sa vie le prince Philip, sa « force et stabilité », une photo de son fils chéri Andrew, à l’époque où il faisait la Une des journaux pour son héroïsme comme pilote d’hélicoptère sur le porte avion Invincible lors de la guerre des Malouines, un petit canif souvenir de ses années de scoutisme et des pastilles à la menthe en cas de baisse de sucre ou pour garder une haleine parfaite (même si l’ail est interdit dans tout repas royal). Sans oublier des friandises pour ses chiens, fidèles compagnons à quatre (courtes) pattes dont elle a élevé plusieurs générations. Willow, l’un d’entre eux a d’ailleurs partagé l’affiche avec Daniel Craig lors de l’époustouflant film réalisé par Danny Boyle où James Bond venait chercher sa majesté pour lancer les cérémonies des Jeux Olympiques de 2012 à Londres. Après avoir hésité au regard de son âge avancé, Elizabeth II a accueilli récemment trois nouveaux chiens, deux corgis Muick et Sandy et Candy (un dorgi, mélange de teckel et corgi) ainsi qu’un cocker répondant au nom de Lissy.

On n’a jamais vu sa majesté ouvrir son sac et répondre à un appel sur son portable. D’aucuns disent qu’elle ne possède pas de smartphone mais un téléphone cellulaire de base dont apparemment son facétieux petit-fils Harry aurait enregistré le message d’accueil (il y est question des corgis). Mais au fond, qui sait si le matin, sa majesté influencée par ses 8 petits-enfants et 12 arrières petits enfants n’a pas cédé à la modernité et commencé à lire en version numérique ses deux quotidiens préférés, le Racing Post ( spécialisé dans les courses hippiques) et le Daily Telegraph? Il ne faut pas oublier que la big boss de la famille royale est suivie par plus de 15 millions de followers; elle a écrit son premier tweet en 2014 et s’est lancée sur Instagram en 2019. Elle est apparement une adepte de Facetime qu’elle utilise notamment pour parler à son petit fils Harry et sa famille installés en Californie. Question de génération sans doute, plutôt que de céder vulgairement à Candy Crush entre deux inaugurations de plaques commémoratives, la reine préfère avoir à portée de main dans son fameux Launer (modèle Traviata, vernis noir) une grille de mots croisés découpé dans son journal et un stylo plume. Et bien sûr son célèbre tube de rouges à lèvres qu’elle n’hésite pas à utiliser pour se repomponner quand bon lui semble.

Adepte du fameux flegme et de la retenue si chère aux Britanniques, la reine Elizabeth a fait de son sac à main une arme secrète. Elle s’en sert pour envoyer des signaux à son staff qui l’accompagne sur le terrain. Si elle meurt d’ennui, plutôt que de faire comprendre à son interlocuteur qu’il est « so boring », elle pose son Launer par terre pour être secourue par sa dame de compagnie. Si le sac se retrouve sur la table, c’est un signe que sa majesté veut partir dans les cinq minutes. Que le Launer sauve la reine !
Elizabeth II, Paddington et le Launer en guest star du clip de lancement du concert du jubilé samedi 4 juin